L’Ultra Tunnel, cette épreuve, aussi mythique que mystique, se mue en un pèlerinage personnel au fin fond de l’inconnu, où la quête de dépassement de soi s’entrelace avec le mystère et le silence de la nuit éternelle. Découverte.
C’est un événement unique en son genre. L’Ultra Tunnel, aussi surnommé « L’ultramarathon du tunnel de la mort », est une aventure qui repousse les limites de ce qu’on pourrait appeler le domaine de l’extrême dans le monde de la course à pied. Organisée à Bath, en Angleterre, cette épreuve atteint le paroxysme de l’endurance humaine et du masochisme sportif à un niveau qu’on pourrait difficilement imaginer. Courir 320 kilomètres dans un tunnel, dans le noir absolu, sans aucun moyen de distraction ni soutien extérieur, représente un véritable test d’endurance extrême et de privation sensorielle. Chaque année, ils sont une petite cinquantaine à prendre le départ pour tenter de venir à bout de cet immense défi. Parmi eux, Christian Mauduit, un Français, qui a déjà terminé l’épreuve à deux reprises. Ils ne sont que trois à avoir réalisé cet exploit alors que le taux d’abandon s’élève à 95 %.
Des conditions surhumaines
Depuis la création de la course en 2019, Mark Cockbain, son organisateur, a instauré des conditions particulièrement austères : pas de lumière, hormis une petite lampe frontale, pas d’oreillette, pas de montre, ni d’objet électronique, interdiction de parler aux autres participants, et évidemment, toute assistance extérieure est interdite.
" Je deviens complètement zinzin "
À cela s’ajoute le froid, rendant l’épreuve encore plus difficile. Les participants doivent également respecter des délais stricts sous peine de disqualification, avec un temps limite total de 55 heures pour effectuer les 320 kilomètres, soit près d’une centaine d’allers-retours dans ce tunnel. « Les conditions sont difficiles, mais le défi central reste le kilométrage. Ce n’est pas donné à tout le monde de parcourir cette distance et, forcément, l’environnement n’aide pas », explique Christian Mauduit, qui a découvert la course un peu par hasard : « J’y suis allé la première fois en 2021. Toutes les courses étaient annulées en raison du Covid-19. J’avais faim et j’ai pris ce qu’il y avait à manger à ce moment-là. J’y suis allé un peu sur un coup de tête et j’ai beaucoup aimé ». Une première édition en 2021 puis une autre en 2024, toujours motivé à l’idée de se confronter au mythe.
« Je me demandais si l’escalier devant moi existait vraiment »
Au cœur des ténèbres de cet ancien tunnel ferroviaire, les hallucinations se révèlent être des compagnons aussi constants qu’insaisissables pour les coureurs épuisés. Privés de la lumière du jour et de toute stimulation visuelle extérieure, les participants plongent dans un univers où la frontière entre le réel et l’imaginaire devient floue. « On devient complètement zinzin », lâche Christian Mauduit. « Lors de ma première participation en 2021, pendant ma deuxième nuit, j’ai eu des hallucinations du début à la fin. J’ai vu des voitures, des barrières, des maisons, des fenêtres avec des volets, des montagnes, des canyons, des décors avec des ambiances orientales et asiatiques. J’ai vu des escaliers à un mètre devant moi. Je me suis quand même demandé si l’escalier existait vraiment. J’ai avancé mon pied et il était dans le vide. C’était terrible, j’étais complètement à côté de la plaque. » Ces hallucinations, particulièrement déroutantes, représentent un défi psychologique supplémentaire à surmonter.
Le chiotte en plastique posé au milieu d’une flaque d’eau
Perdu au fin fond de la campagne anglaise, l’Ultra Tunnel est à des années-lumière des courses populaires d’ultradistance. « C’est rare de nos jours », regrette Christian Mauduit. « J’ai fait l’UTMB, c’est super, c’est joli mais je ne me reconnais plus dans ce type d’épreuves, quand il y a trop de monde, trop de sponsors. Après je comprends, c’est normal et logique, je ne crache pas dans la soupe mais voilà, l’Ultra Tunnel, c’est à l’ancienne. Il y a une table avec quelques bouteilles d’eau et des barres chocolatées avec des goûts un peu bizarres. Et puis sinon, tu te débrouilles avec la nourriture que tu as amenée. Il y a juste un chiotte en plastique posé au milieu d’une flaque d’eau. Voilà, on est entre amis et c’est trop bien. »
En 2025, Christian Mauduit a décidé de retourner dans l’obscurité et le froid du Combe Down Tunnel. Son inscription est déjà finalisée. Sera-t-il le premier homme à terminer trois fois l’épreuve ?
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