Nous sommes en 2012, Pierre Mastalski a 41 ans et il a entamé la course Bouvet Guyane à Dakar, au Sénégal, le 29 janvier. Armé d'une détermination inébranlable et d'un courage indomptable, il a finalement franchi la ligne d'arrivée à Cayenne, en Guyane, le 12 mars à 6h36, après avoir navigué sur l'océan Atlantique pendant 42 jours, 20 heures et 36 minutes.
Un jour, une rencontre puis le projet d’une vie. Pierre Mastalski n’est pas un marin aguerri, il n’est même pas très à l’aise dans l’eau et pourtant il s’est lancé dans une aventure audacieuse : traverser l'océan Atlantique à la rame, en solitaire, sans escale et sans assistance, entre Dakar et Cayenne.
Un défi colossal, comparé à l'ascension de l'Everest dans le monde maritime, où les aventuriers se lancent dans une traversée de 40 à 60 jours, confrontés à des conditions physiques et mentales extrêmes. Une source d’inspiration inattendue.
Cette formidable aventure a débuté de façon tout à fait banale. " Un jour, un copain m’a proposé de l’accompagner à un salon nautique sur Paris ", raconte Pierre. " Moi, je n'en avais pas grand-chose à faire des bateaux, j'y allais surtout pour boire des coups avec mon copain. " Ce qui aurait pu être une journée ordinaire s'est alors transformé en un tournant décisif lorsqu’il croisa le chemin d'un navigateur intrépide.
" Je vois un bateau assez intriguant. Ça ressemblait à une bulle, il n’y avait pas de mât. C’est un gars qui avait traversé l’Atlantique à la rame avec. Je ne savais pas qu’on pouvait faire ça. Pour moi, il fallait être complètement taré pour faire un truc comme ça. Je me suis presque moqué de lui. Et il m’a dit que si j’avais envie de faire la même chose, la décision n’appartenait qu’à moi. "
Un échange qui résonne en lui comme un appel à l’aventure déclenchant une audace irrépressible qui allait le pousser à relever le défi le plus fou de sa vie. " Je me suis dit qu’il avait raison et que si je le faisais pas maintenant, c’est un truc que je ne ferais jamais. On a toujours de bonnes raisons de ne pas faire les choses donc là je me suis dit qu’il fallait le faire maintenant. Peu de temps après, je me suis inscrit et c’était parti. "
" Soit tu luttes contre les éléments et c'est un enfer, soit tu t'adaptes et ça passe "
Pour Pierre, défier l'océan Atlantique représentait bien plus qu'un simple exploit sportif, c'était une confrontation avec ses propres limites et ses peurs les plus profondes. Mais tout cela ne s’improvise pas. Encore moins quand on est novice. Ce type d’aventure nécessite une préparation méticuleuse tant sur le plan physique, mental que logistique. " Si tu as des peurs que tu ne traites pas, elles te rattrapent rapidement ", explique-t-il, soulignant l'urgence de faire face à ses propres démons intérieurs, notamment la peur de l’eau. Un des obstacles majeurs qu'il a dû surmonter était sa réticence à plonger sous son bateau pour gratter la coque, une tâche nécessaire pour assurer le bon déroulement de son voyage. " J'ai d'abord essayé de me fabriquer un outil pour gratter la coque en restant dans mon bateau. Évidemment, ça n'a jamais fonctionné. " Il a finalement opté pour une approche plus directe et a suivi un stage destiné aux pilotes d'hélicoptère en cas de crash en mer.
Traverser l’Atlantique à la force des bras peut faire peur. Pendant sa préparation, Pierre a été confronté à des moments de doute quant à la faisabilité de son projet ambitieux. Cependant, il souligne l'importance vitale de ce qu'il appelle "Les précieux" : le projet en lui-même et l'équipe qui l'entourait. Ces deux éléments étaient indissociables et tout aussi cruciaux l'un que l'autre. Son équipe était sa bouée de sauvetage, lui permettant de rester concentré sur ses objectifs tout en lui apportant un sentiment de sérénité.
D’ailleurs, le même navigateur qui lui avait présenté son bateau au salon nautique est devenu son parrain pour cette traversée, lui apportant ainsi une précieuse source de confiance et de soutien basée sur son expérience. Un vrai atout qui lui a permis de surmonter les moments de solitude et de doute qui ont pu surgir lors de sa traversée, où il se retrouvait seul au milieu de l'élément, confronté à une mer parfois agitée et des conditions météorologiques difficiles, avec des vents soufflant entre 20 et 25 nœuds en moyenne.
" L'audace c'est s'autoriser des choses qui sont à priori inatteignables "
Si naviguer en solitaire pendant plus de 40 jours peut sembler une épreuve insurmontable pour beaucoup, Pierre l'a accueillie comme un privilège. " Dans la vie de tous les jours, c'est impossible de se retrouver seul aussi longtemps. Durant cette aventure, je voulais profiter au maximum malgré la difficulté. Les éléments sont ce qu'ils sont, c'est comme ça. Donc soit tu luttes contre eux et c'est un enfer, soit tu t'adaptes et ça passe. "
Perdu au milieu de l’océan, les journées sont longues, intenses puis la solitude s’installe progressivement. " Paradoxalement, je ne suis pas quelqu’un de solitaire. J’aime bien être entouré de personnes. De me retrouver seul aussi longtemps, j’ai pris ça comme un privilège parce que dans la vie de tous les jours, c’est impossible à faire. "
Ramer encore et encore avec comme seul but l’horizon. Pierre s’est rapidement habitué à l’effort constant qu’exigeait une telle traversée. " Petit à petit, le corps s’affûte et s'affine, et au final j’arrivais à ramer 15 heures d'affilée. Mais il ne faut jamais aller dans le rouge. Il faut aussi savoir s’écouter pour durer ". Alors il avançait, se rapprochant de plus en plus de son but. Même si la course dont il faisait partie n’avait pas d’importance. " C’était anecdotique, je ne savais même pas combien j’étais. Je voulais juste arriver au bout de cette traversée. "
C’est ce qu’il accomplit 42 jours après avoir quitté Dakar. Une incroyable épopée qui était loin d'être garantie avant même son commencement. Mais c’est à force d’envie et de détermination que Pierre est parvenu à bout de son objectif. Pour lui, c’est l’audace qui a été un pilier fondamental dans sa réussite : " L'audace, c’est s'autoriser des choses qui sont à priori inatteignables. "
Cette capacité à sortir des sentiers battus et à défier les conventions a été le moteur de sa réussite. Aujourd’hui, il met en garde contre le véritable danger qui réside non pas dans le manque de confiance, mais dans l'excès de prudence. "Il faut oser y aller. Je n’étais pas marin mais j’avais l’esprit d’un pirate." Sans peur, sans conviction préconçue mais toujours conquérant. Un homme libre et affranchi.
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