Photos : Jérémy Bernard et Michael Cordey
C’est dans ce contexte que 'Clouds', le court-métrage réalisé par Léa Klaue et Laureen Mahieu, prend une dimension particulière. Ce film transcende la simple exploration visuelle pour plonger au cœur de la dualité humaine, oscillant entre confiance en soi et incertitude. Couronné lors du festival Femmes en Montagne dans la catégorie « Meilleur Court Métrage », Clouds ne se contente pas de capturer des images spectaculaires ; il incite également à une réflexion introspective sur notre propre quête de confiance.
Pour Léa, la montagne représente bien plus qu’un terrain de jeu, elle est un lieu de connexion profonde, où la grandeur de la nature met en perspective notre petitesse. C’est dans cet élément qu’elle s’est fait un nom. Progressivement et malgré certains freins. « Je fais du snow depuis que je suis petite. J’ai fait de la compétition et puis je me suis progressivement orientée vers le côté expédition, qui me correspond mieux, » explique-t-elle. Un univers encore plus difficile et plus sélectif. « Au début, quand j’ai commencé, je ne trouvais pas l’ambiance très bienveillante en tant que fille, d’autant plus que j’étais la seule. J’ai trouvé ça très difficile de me sentir légitime et de m’intégrer là-dedans. Mais j’avais quand même une énorme motivation et j’ai un peu la tête dure ; quand j’ai vraiment envie de faire quelque chose, je le fais. Je me dis que peut-être que les autres n’ont pas envie que je sois là mais je n’en ai rien à foutre. » Puis progressivement, Léa va se créer un réseau avec d’autres filles. « On se serrait les coudes et je pense que c’est pour ça que je n’ai jamais arrêté. » Aussi parce que sa motivation est sans faille.
Si elle n’a pas une grande confiance en elle, Léa n’est pas du genre à reculer au moindre défi. Au contraire, elle repousse les limites. C’est d’ailleurs cette force de caractère qui l’a menée à s’orienter vers de la pente raide. « L’envie est venue progressivement. À chaque fois, en fin de saison, je voyais les remontées mécaniques fermer mais je n’avais pas envie que ça se termine parce que je voyais encore de la neige sur les sommets et il y avait ceux qui faisaient de la pente raide qui continuaient à monter. Donc je me suis rendu compte que c’était possible. Même si du snowboard en pente raide, c’était assez rare, c’était plus des skieurs. »
“ Il y a de la pression dans le regard des autres mais il faut l’accepter et travailler “
Alors elle décide de forcer le destin et envoie des mails à plusieurs guides, mais les retours sont tous négatifs. Personne ne veut l’emmener sur ces pentes où l’erreur n’est pas admise. « C’était un peu démoralisant. Ensuite, j’ai eu des contacts avec de bonnes personnes qui m’ont pris au sérieux. Et c'est venu au fil du temps. Ensuite, j’ai eu quelques sponsors et c’est là que je me suis développée dans ce milieu. Mais j’ai dû prouver ma valeur. » Une nouvelle fois. Montrer qu’elle a sa place. « Quand on me donnait ma chance, je n’avais pas le droit de me louper parce que c’était la seule chance qu’on allait me donner. Il y a de la pression dans le regard des autres mais il faut l’accepter et travailler pour y arriver. Peut-être qu’un mec aurait moins besoin de prouver. »
Le steep riding, cette discipline exigeante du snowboard que pratique Léa, ne demande pas seulement une maîtrise technique exceptionnelle. Elle teste aussi implacablement la confiance en soi. Dans un environnement où les conditions météorologiques et d’enneigement sont aussi imprévisibles que changeantes, chaque descente représente un pari risqué, la frontière entre succès et échec étant incroyablement ténue. « Fais-toi confiance », conseil souvent donné à Léa. Mais alors comment maintenir cette confiance dans un monde où le doute semble aussi omniprésent que la neige sur les sommets ? Un sentiment forcément décuplé en pente raide. « La peur est présente, mais il faut apprendre à avoir le contrôle pour dévaler ces pentes-là. Il faut aussi comprendre la météo et tous les aspects techniques et environnementaux. C’est comme ça qu’on apprend à vivre avec la peur, parce qu’elle sera toujours là. Et si on n’avait pas peur, il y aurait un problème. »
“ Peut-être qu’un mec aurait moins besoin de prouver “
Le film Clouds nous invite à explorer cette interrogation avec Léa, alors qu’elle affronte certaines des faces nord les plus raides des Alpes valaisannes au printemps 2023. Dans le monde du steep riding, comme dans la vie, la confiance n’est jamais acquise ; elle doit être conquise, jour après jour, descente après descente, dans un combat constant contre le doute et l’incertitude.
Alors quid de ses prochains projets ? « En ce moment, je suis en train de guérir une blessure au genou depuis le mois de mars. Ça me donne du temps pour mijoter des projets futurs. » Elle souhaite entreprendre une expédition en Bolivie, pays où elle a déjà séjourné pour des recherches anthropologiques.
Cette fois, cependant, son objectif est d’explorer les montagnes. « Il y a beaucoup de jolies faces de belles montagnes qui montent jusqu’à 6 000 mètres. J’aimerais justement y retourner pour faire un parallèle avec mes études d’anthropologie et comprendre comment la population qui vit dans les Andes boliviennes est en relation avec l’environnement, la montagne, les glaciers. C’est un projet sur lequel je travaille depuis 4 ans et j’aimerais bien le concrétiser un jour. »
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