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Photo du rédacteurLéo Belnou I Rédacteur

J-C Banfi : PACIFIC CREST TRAIL, périple dans l’ouest américain

Au cœur de l’Ouest sauvage des Etats-Unis, là où les sommets touchent le ciel et où les forêts murmurent des histoires anciennes, se trouve l’un des plus célèbres sentiers de randonnée. L’un des plus exigeants aussi. Le Pacific Crest Trail (PCT), une merveille de la nature qui s'étend sur 4265 km, de la frontière mexicaine, à celle du Canada, offrant aux intrépides courageux une expérience inoubliable.

Des vastes déserts de Californie aux montagnes majestueuses de la Sierra Nevada, en passant par les forêts de l’Oregon, le PCT nourrit les rêves de bon nombre de randonneurs. C’est le cas de Jean-Claude Banfi (63 ans) qui a décidé, à l’été 2023, de se lancer sur la mythique trace.


“ Là-bas, tout est beaucoup plus simple… Toutes les conneries de la vie courante, n’existent pas sur le PCT. C’est compliqué de revenir à la vie réelle parce qu’elle a moins de sens. L’autre option, c’est de se dire que la vie réelle c’est le PCT “. Quatre mois et demi, ça marque un homme. Alors forcément, à l’heure de faire le bilan de son aventure, Jean-Claude Banfi paraît un brin nostalgique. “ Je suis moniteur de ski, j’habite dans le Beaufortain, une région magnifique, tout va bien dans ma vie mais ça me fait chier, ça ne me passionne plus. Je suis rentré en me disant que ça faisait 20 ans que j’étais en apnée “. Assurément, cette aventure restera gravée. Comment en faire autrement ? Le PCT est bien plus qu’un simple sentier à conquérir. C’est aussi un voyage intérieur, fait de rencontres et de défis qui forgent un caractère et alimentent une passion pour ces grandes étendues, ces longs chemins, ces crêtes escarpées.


Pourtant, le Pacific Crest Trail n’était pas un objectif de vie, encore moins un rêve d’enfant. “ Honnêtement, j’ai découvert l’existence du PCT assez récemment “, avoue-t-il. “ En 2022, je m’étais déjà lancé dans une petite aventure en partant de chez moi, en Savoie. J’avais pris la direction de Rome, d’abord en ski de randonnée puis en courant. Ensuite, à l’automne, j’étais reparti de Rome jusqu’en Sicile et j’avais adoré ce périple que j’avais pu partager avec ma femme qui me suivait en voiture sur certaines portions.“ Comme un déclic, cette première escapade va s’avérer être une véritable bouffée d’oxygène pour Jean-Claude Banfi. “ J’ai adoré mais il y avait beaucoup de portions avec des routes goudronnées donc je me suis dit que j’aimerais bien refaire la même chose sur un itinéraire plus vert. “ C’est là qu’une idée va germer. Inspiré par la lecture du livre 'Wild' de Cheryl Strayed, prêté par un ami et encouragé par l’envie de se frotter à une aventure plus naturelle, il décide de se lancer dans le défi PCT.

Toutes les conneries de la vie courante n'existent pas sur le PCT

Les obstacles ont commencé bien avant les premiers pas sur le sentier. Obtenir le visa requis pour rallier les États-Unis s’est avéré être un véritable parcours du combattant.


“ Il fallait un visa B2 et on a vraiment galéré pour remplir les papiers et ensuite il a fallu aller à Paris. Le plus dur n’était pas le sentier en lui-même mais plutôt la partie administrative avant de partir “ sourit-il.

Une fois son visa en poche, il suffisait d’acquérir le précieux sésame, un permis qui donne la possibilité d’accéder au PCT. “ Ça s’est fait rapidement. Il y avait une place de libre, j’ai sauté sur l’occasion “. Une fois libéré de toutes ces contraintes administratives, ce montagnard aguerri devait désormais faire face à l’imprévisibilité du PCT. Déjà en termes de matériel. Un sac à dos acheté à la hâte, une tente et un matelas gonflable récupérés à San Diego la veille du départ.


Habitué à arpenter les cimes savoyardes, ce moniteur de ski est en revanche quasi novice à l’idée de planter sa tente au fin fond d’une forêt ou au bord d’un canyon. “ Je crois que la dernière fois que j’avais campé, c’était avec mon épouse il y a 20 ans en Argentine “. Mais il en fallait bien plus pour empêcher Jean-Claude Banfi de prendre son envol. “ L’avantage, c’est que je cours beaucoup et en tant que moniteur de ski de fond j’ai quand même un minimum d’activité aérobie donc je suis arrivé sur place avec une très bonne condition physique, meilleure que la plupart des marcheurs d’ailleurs. J’ai aussi un diplôme universitaire en préparation mentale et en nutrition donc je me sens autonome et je ne suis pas allé chercher une expertise sur ces sujets-là “.


Seul aux portes du désert avec 4 265 km devant soi


Le 15 mai 2023. Campo, lieu de départ du Pacific Crest Trail. Ça y est ! Désormais, impossible de reculer. Il faut s’élancer. Le grand vide. Le Southern Terminus Monument marque le point de départ officiel. Gravé en lettres capitales, la longueur du sentier : MEXICO TO CANADA 2,650 MILES.


Le désert en guise d’amorce et puis il y a l’impatience, surtout, de plonger dans l’inconnu avec comme seule mission de mettre un pied devant l’autre. “ Pour arriver sur le lieu de départ, j’ai pris une navette avec d’autres marcheurs.


Eux ont planté leur tente pour commencer le lendemain mais moi je n’avais pas envie d’attendre. J’ai donc commencé directement en trottinant. J’en avais vraiment marre des préparatifs, de l’avion, j’avais juste envie d’être dans la nature “. Jean-Claude Banfi s’élance. 74 kilomètres sur les deux premiers jours, c’est beaucoup. À l’échelle du PCT, c’est un grain de sable. Identique à ceux du désert qu’il est en train d’arpenter sous un climat aride. Sur les longues portions, il prévoit jusqu’à 6 litres d’eau avec lui. Perdu dans la nature sauvage, l’organisation pour s’alimenter et s’hydrater prend toute son importance. “ Sur les premières portions, c’était assez simple pour se ravitailler, il suffisait d’avoir deux ou trois jours de nourriture sur soi “. Il faut alors sortir du sentier parfois sur plusieurs kilomètres, rallier le village le plus proche et refaire le plein de provisions.


Il y a aussi les Trail Angels, ces Américains qui ont, pour certains, dédié leur vie au PCT et apportent secours et réconfort aux 5 000 randonneurs qui tentent l’aventure chaque année. “ C’est vraiment quelque chose qui m’a secoué émotionnellement. J’ai vécu quatre rencontres complètement incroyables. Un jour, j’arrive dans une ville et la météo est vraiment catastrophique. Je m’arrête dans une boulangerie et un type m’adresse la parole et me demande si je fais le PCT. On échange bien et après quelques minutes, il me propose de me mettre à l’abri pour les prochains jours. Il m’emmène dans un de ses appartements, me donne le code et me dit : ‘Tu es chez toi, tu restes le temps que tu veux. Fais-moi signe quand tu pars’. Je les ai revus, lui et sa famille après mon PCT, à Seattle, là où ils habitent, j’ai passé une semaine chez eux, c’était incroyable“


Une rencontre fortuite, une main tendue, le PCT n’est pas seulement une longue trace en solitaire, il offre parfois de belles leçons d’humanité et de générosité inoubliables. Plus encore. “ C’est un remède à la misanthropie. C’est aussi ce qui est dur depuis que je suis rentré en France. Quand tu regardes ce qui se passe dans l’actualité, en Palestine par exemple… Je ne retrouve pas les valeurs que j’ai connues sur le PCT. Que ce soit les marcheurs ou les gens qui gravitent autour du trek, il y a vraiment de belles valeurs. Un Américain disait qu’il y a sûrement des enfoirés sur le PCT mais il faut chercher longtemps avant d’en trouver un. “


Ces moments de camaraderie et de partage ont éclairé son voyage contrastant avec la solitude des cols enneigés de la Sierra Nevada. Un autre souvenir impérissable de cette aventure. “ J’avais promis à ma femme de ne pas faire la Sierra Nevada tout seul. Le taux d’enneigement était 280 % plus élevé qu’à la normale. J’ai donc commencé avec un Anglais rencontré à l’aéroport d’Heathrow mais à la moitié il a craqué. J’ai attendu quelques jours pour essayer de retrouver quelqu’un pour repartir mais tout le monde a contourné cette portion qui était jugée trop dangereuse. “


Pas de quoi faire douter le moniteur de ski qui, faute d’avoir trouvé un nouveau compagnon de marche, se résigne et repart seul. “ J’ai le sentiment d’avoir eu beaucoup de chance d’évoluer dans cet univers avec ces conditions et d’être complètement seul dans la montagne. “

Ces grands espaces, si caractéristiques des États-Unis que Jean-Claude Banfi avait déjà pu découvrir lorsqu’il était guide de rivière dans le Colorado quelques années plus tôt.


“ J’habite le Beaufortain qui est un massif fantastique mais la grande différence avec les États-Unis, c’est la magnitude. Il y a beaucoup moins de densité et de présence humaine. Tu peux te retrouver pendant 400 kilomètres sans croiser une seule route “. Au pays de l’Oncle Sam, l’horizon est souvent imaginaire. De grandes étendues, des millions d’hectares. Parmi tout ça existe le PCT. Chaque étape de ce périple révèle une nouvelle facette de la nature où le silence des grands espaces est une invitation à se connecter à soi-même et à l’environnement qui nous entoure.


De ses quatre mois et demi d’aventure, Jean-Claude Banfi en a tiré une multitude d’enseignements. “ Dans ma vie, j’ai fait des choses que j’ai adorées, j’ai voyagé avec ma femme, profité de mes deux enfants mais au final, je me suis rendu compte que je n’ai pas fait grand-chose qui avait vraiment du sens pour moi. Le challenge, l’aspect sportif, les rencontres, la nature. Ce sont des choses importantes à mes yeux. Avec le PCT, j’ai eu l’impression de revenir aux sources. “


Si le PCT se déroule sur des milliers de kilomètres à travers des paysages magnifiques et impitoyables, l’histoire de Jean-Claude Banfi rappelle que parfois, le véritable voyage se fait à l’intérieur de soi, à travers les rencontres et les défis. En avril prochain, il a décidé de repartir sur les sentiers. Cette fois, ce sera le Continental Divide Trail (CDT), la grande sœur du PCT. 4 873 kilomètres. Plus long, plus difficile, plus sauvage.

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